Depuis sa présentation, le projet de décret sur la programmation énergétique (PPE) de la France est scruté point par point par les acteurs concernés. En matière d'énergie marine, six régions littorales sont montées au créneau en mars dernier. La Normandie, la Bretagne, les Pays de la Loire, la Nouvelle-Aquitaine, l'Occitanie et la région Sud-Provence-Alpes-Côte d'Azur, ont présenté une contre-proposition plus ambitieuse pour répondre aux attentes des territoires en matière de transition énergétique. Elles veulent un rythme de développement d'au moins 1 GW par an via la programmation d'appels d'offres pour l'éolien posé et flottant. "Les présidents des régions littorales sont pleinement conscients de la nécessité de baisser les coûts de production de l'électricité produite par ces filières mais considèrent que les volumes actuels ne permettent pas pour autant d'engager les transitions dont la France a besoin", ont-elles écrit dans un communiqué commun.
Les industriels, représentés par le Syndicat des énergies renouvelables (SER) ont mis au point leur contre-proposition. Ils s'inquiètent surtout des mesures concernant la méthanisation mais aussi et surtout l'éolien en mer.
Tout est une question de timing
Le projet actuel de PPE prévoit une capacité installée de 4,7 à 5,2 GW d'éolien en mer posé ou flottant en 2028. Ce chiffre comprend les capacités déjà en développement (3,1 GW) ainsi que les projets qui seront alloués entre 2019 et… une date ultérieure. Mais ce qui inquiète le SER, c'est le timing. "Dans la mesure où un délai d'environ six à sept ans est nécessaire entre l'attribution d'un appel d'offres et la mise en service d'un parc éolien en mer, seuls les projets attribués d'ici 2021 pourront être en service en 2028", explique Jean-Louis Bal, son président. Or, d'ici 2021, peu d'appels d'offres sont prévus (cf tableau).
Selon le SER, le rythme d'appels d'offres se situe en moyenne entre 540 MW et 665 MW par an d'ici 2024, soit "une dynamique nettement inférieure aux attentes de la profession et des régions littorales" qui défendaient un volume minimum de 1.000 MW par an. Le SER regrette aussi un rythme "très irrégulier", provoquant des creux de charge dans les productions, une visibilité insuffisante pour investir dans les capacités industrielles et accélérer la baisse des coûts par effet d'échelle.
Gagner sur les prix pour accroître le nombre de parcs à un coût constant
Pour renforcer les objectifs et accélérer le rythme, le SER et France énergie éolienne (FEE) proposent un autre calendrier (cf. tableau).
2019 | 2020 | 2021 | 2022 | 2023 | 2024 | 2025 | |
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Proposition de l'Etat | |||||||
Eolien flottant | 250 MW en Bretagne (120€/MWh) |
250 MW en Méditerranée (110€/MWh) |
250 à 500 MW selon les prix |
1 projet de 500 MW à 1.000 MW | |||
Eolien posé | 500 MW à Dunkerque (70€/MWh) |
1.000 MW dans la Manche Est et en Mer du Nord (65€/MWh) |
1.000 à 1.500 MW (60€/MWh) |
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Les ajouts du SER et FEE (les demandes sont signalées en gras) | |||||||
Eolien flottant | 250 MW en Bretagne (120€/MWh) |
2 x 250 MW en Méditerranée (110€/MWh) |
500 MW en Bretagne | 500 MW en Méditerranée | 1.500 MW dont 500 MW en flottant en Méditerranée | ||
Eolien posé | 500 MW à Dunkerque (70€/MWh) |
1.000 MW dans la Manche Est et en Mer du Nord (65€/MWh) |
750 MW à Oléron | 750 MW dans la Manche Est et en Mer du Nord | 750 MW en Bretagne (60€/MWh) |
750 MW dans la Manche Est et en Mer du Nord (60€/MWh) |
"Reporter la perspective de volumes plus ambitieux après 2023 constituerait une erreur d'un point de vue énergétique comme industriel", argumente Jean-Louis Bal. Mais qui dit de nouveaux appels d'offres, dit des soutiens publics supplémentaires. Selon la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) du ministère, les dépenses publiques engagées en faveur de l'éolien en mer sont de 18,7 milliards d'euros. Les prochains appels d'offres nécessaires pour atteindre les objectifs de 2028, selon le calendrier proposé dans la PPE, couteraient 6,7 milliards d'euros supplémentaires. A ceux-ci s'ajouteraient les appels d'offres demandés par le SER et FEE.
Pour convaincre l'Etat d'en faire plus sans alourdir les finances publiques, les industriels estiment pouvoir faire des économies. "Des baisses de coûts supérieures aux attentes de l'Etat pourraient être constatées à très court terme, présentant l'opportunité de financer des projets supplémentaires", explique Olivier Pérot, président de FEE. Le prochain parc de Dunkerque pourrait jouer un rôle. L'Etat a fixé un prix d'achat de l'électricité maximum de 70/MWh mais les industriels semblent confiants : "L'économie qui pourrait être faite grâce à un prochain appel d'offres attribué à un prix inférieur de 10€/MWh permettrait de financer, au même prix, un nouveau projet de plus de 1.000 MW, sans accroître le budget initialement alloué à l'éolien en mer dans le projet de PPE", déclare Olivier Pérot, président de FEE. D'une manière générale, les acteurs de la filière souhaitent que les "économies" issues d'un résultat d'appel d'offres, plus compétitif qu'estimé, soient allouées à l'attribution de capacités supplémentaires. La profession demande à ce que ce principe soit explicitement inscrit dans le décret PPE qui sera adopté.
Les industriels sont en relation constate avec la DGEC pour défendre leur proposition. Ils la présenteront également à tous les acteurs le 18 mai prochain au Conseil supérieur de l'énergie.