Les deux projets d'arrêtés qui fixent un cadre pour limiter la pollution lumineuse devraient être publiés d'ici peu. Le Conseil d'Etat a donné neuf mois maximum au gouvernement, soit avant le 28 décembre. L'association France Nature Environnement (FNE) et la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (FRAPNA) avaient déposé un recours en avril 2017 devant le retard pris pour la sortie de ces textes prévus par la loi Grenelle 2.
En attendant les publications, les acteurs impliqués dans l'éclairage (1) ainsi que des associations de protection de la nature ou engagées dans la lutte contre les nuisances lumineuses (2) ont fait part de leurs attentes et critiques. Et sans surprise, les avis sont plutôt contrastés.
Des spécificités techniques contestées
Si les premiers saluent la publication prochaine des textes, ils déplorent certaines contraintes introduites, difficilement réalisables selon eux. "Certaines exigences techniques du projet d'arrêté sont toutefois inadéquates au regard de la spécificité des installations", pointent-ils. Ainsi pour eux, le cadre fixé ne permettrait pas d'obtenir l'uniformité d'éclairage au sol, ou nécessiterait de multiplier le nombre de points lumineux. De la même manière, les valeurs limites de flux lumineux installé retenues seraient trop restrictives."[Elles] doivent être compatibles avec les besoins des usagers - définis dans la norme NF EN 13201 - et a minima les réglementations accessibilité en vigueur - personnes à mobilité réduite et établissements recevant du public - ", pointent-ils. Ils souhaiteraient que des zones sensibles définies par le maire sur son territoire puissent faire l'objet de dérogation. Ils déplorent que les conditions fixées par le décret ne permettent désormais que l'installation de luminaires qui n'émettent pas vers le haut. "Une valeur limite maximum de 4 % doit être laissée à l'appréciation du maître d'ouvrage en éclairage public fonctionnel", demandent-ils.
Les acteurs de l'éclairage mettent également l'accent sur une étude menée par la ville de Paris qui montrerait que que l'éclairage privé représente 58 % des lumières excessives émises la nuit sur son territoire contre 35 % par le domaine public et 7 % par les véhicules. Enfin, ils soulignent le manque d'aide pour appuyer ces mesures. "Dans un contexte de fortes tensions sur les finances des collectivités locales, on aurait pu s'attendre à un accompagnement financier spécifique des communes, pointent-ils également Cette absence d'annonce de l'État ne peut se compenser par la création d'une fiscalité écologique locale, prônée par certaines parties prenantes : dans le rapport actuel des français aux taxes, fussent-elles au service de l'environnement, cette fiscalité serait d'autant moins comprise".
Une demande d'un cadre pour progresser
De leur côté, les associations de protection de la nature ou engagées dans la lutte contre les nuisances lumineuses demandent également à ce qu'un certain nombre de points évoluent.
Tout d'abord, durant le délai de 12 mois permis par le texte avant l'entrée en vigueur des mesures, elles préconisent que l'Etat impose des conditions de transformation graduelle. "Toutes les installations créées dans cet intervalle produiront encore des effets sur la pollution lumineuse pendant leur durée de vie de 20 à 30 ans, considèrent-elles. Certificats d'économie d'énergie et aides publiques quelles qu'en soient la forme, ne devraient plus être délivrés à des installations non orientées vers ces dispositions à atteindre". Elles appellent également à un arrêt des subventions publiques, non conditionnées ou aux effets non maitrisés sur la pollution lumineuse.
Estimant que les contraintes du texte ne visent que les collectivités, elles souhaitent que des mesures reconnaissent aux fabricants, installateurs, prescripteurs, une responsabilité réciproque. "Comme pour la feuille de route économie circulaire, ils devraient être appelés à prendre des engagements publics de progrès dans un premier temps, et si les engagements sont absents ou insuffisants, soumis à une obligation d'évoluer rapidement", proposent-elles.
Pour aider les communes rurales défavorisées, les associations proposent de basculer les financements de la dotation d'équipement des territoires ruraux destinés aux éclairages, vers le financement de dispositions techniques fixées par le projet d'arrêté. Autre piste : la création d'une ressource publique affectée à l'enjeu de la pollution lumineuse, sur le principe du pollueur-payeur.
"Des politiques d'éclairage reposent la plupart du temps sur des approches partielles ou techniques, trop rarement sur une approche globale des impacts et des coûts, estiment-elles. Conséquence : elles conduisent dans de nombreux cas à des choix antinomiques – entre choix énergétiques et choix à effectuer pour préserver la biodiversité du territoire par exemple. Pire, de nombreuses politiques d'éclairage orientées par les seules économies d'énergie aboutissent en réalité à émettre souvent encore plus de lumière la nuit !"