Depuis 1975, les usines situées sur la plate forme de Lacq (Pyrénées-Atlantiques) et la plate-forme chimique de la Société béarnaise de gestion industrielle (Sobegi) ont l'autorisation d'injecter "des effluents aqueux issus de l'exploitation gazière, de la chimie du soufre et de la chimie fine (pharmacie et cosmétologie) dans les couches profondes du Crétacé du bassin de Lacq [site baptisé crétacé 4000]", rappelle le Plan de réduction et d'élimination des déchets dangereux en Aquitaine (Predda), précisant que "les effluents injectés sont constitués soit de charges salines, contenant de petites quantités de matière organique (effluents qui ne sont pas traitables dans une station d'épuration), soit d'effluents contenant des composés soufrés fortement odorants dont le traitement en surface générerait des opérations de manipulation et de transport très délicates".
Avec la loi de finances 2012, le site crétacé 4000 bénéficie d'une exonération de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) suite à l'adoption d'un amendement déposé par le député David Habib (PS, Pyrénées-Atlantiques). Une exonération qui met sur le devant de la scène un contentieux relatif à la nature des produits enfouis dans le sous-sol et qui soulève l'ire des associations France nature environnement (FNE) et Robin des bois.
De l'eau salée…
"Ce n'est pas une activité polluante : c'est simplement de l'eau salée", a défendu le député lors de la discussion de son amendement, déplorant qu'aucun fleuve ne passe à proximité afin d'y diluer ces effluents. "L'enjeu n'est pas médiocre : l'assujettissement à cette taxe mettra en péril 200 emplois", avance l'élu, précisant que "cette année [étant] celle de l'extinction de ce gisement", il a sollicité "la solidarité nationale pour pouvoir poursuivre, au-delà de l'extraction du gaz, [les] activités de chimie".
Des arguments qui ont convaincu Gilles Carrez, député UMP du Val-de-Marne et rapporteur général de la commission finances de l'Assemblée, ainsi que le gouvernement. "Toute taxe qui met en danger ne serait-ce qu'un emploi industriel dans notre pays doit être bannie", a expliqué Gilles Carrez. Quant au gouvernement, représenté par Valérie Pécresse, ministre du Budget, il a émis un avis favorable : "le petit cœur sensible qui continue à battre dans le cœur de la ministre du budget estime qu'en effet ces effluents liquides doivent rester exonérés de la TGAP".
…ou des déchets ?
Reste que la nature des effluents liquides est contestée : si l'élu des Pyrénées-Atlantiques n'y voit que des eaux salées, "ce n'est (…) pas l'avis des douanes qui assimilent les rejets – jusqu'à 1.000 m3 par jour - à des déchets industriels", rapporte Robin des Bois qui précise que "les déchets liquides injectés contiennent des hydrocarbures, des métaux lourds, des résidus soufrés et des phénols, les cyanures [étant] théoriquement surveillés".
En avril 2009, David Habib soulevait déjà le sujet à l'occasion d'une question posée au ministre de l'Economie. Le député expliquait alors que la direction générale des douanes, considérant qu'il s'agissait de déchets, souhaitait appliquer la TGAP aux injections d'effluents. "L'augmentation de la TGAP, proposée dans le cadre du Grenelle de l'environnement, voit le montant de cette taxe passer de moins de 10 euros l'année dernière, à 20 euros par tonne de déchets cette année, pour arriver à 40 euros par tonne en 2015", déplorait alors l'élu s'inquiétant d'une hausse des charges d'exploitations des sociétés visées.
L'élu demandait alors à la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, "de bien vouloir intervenir pour que soit examinée la possibilité de ne pas classer ces injections d'effluents en déchets".
4,4 millions d'euros de dette fiscale
La demande du député a finalement été rejetée en mars 2010 par la ministre au motif que "la problématique sur le caractère ou non de déchet des injections d'effluents en crétacé 4000 a été portée par la société concernée devant la justice civile". Un recours formé par "les juristes de Total" devant le tribunal de grande instance de Paris, rapporte FNE précisant que "le tribunal, par jugement du 8 avril 2011, avait bien condamné Total à payer 4.438.692 d'euros à l'Etat".
En tant que Président de la communauté de communes de Lacq (CCL), David Habib a été informé du litige par une lettre transmise par la direction de Total exploration et production France. Lettre dont il a "fait part du contenu (…) concernant le contentieux opposant la société aux Douanes sur le sujet de la TGAP", rapporte le compte rendu du bureau de la CCL tenu le 1er juin 2011 (1) .
"Le gouvernement et les députés viennent d'effacer par l'article 22 de la loi de finances cette jolie dette", estime FNE suite à l'adoption de l'amendement déposé par l'élu béarnais. Quant à Robin des Bois, au delà de la dette fiscale, il pointe un "manque à gagner pour les finances publiques (…) estimé à 1,5 million d'euros par an".