Mercredi 23 septembre, l'Autorité environnementale (Ae) a rendu son avis (1) sur le projet Écocombust de conversion à la biomasse des deux tranches de la centrale à charbon de Cordemais (Loire-Atlantique). Le projet présenté par EDF répond à l'arrêt en 2022 des centrales fonctionnant uniquement au charbon. Cette mesure est encadrée par la loi énergie climat de novembre 2019 et son décret d'application de décembre 2019. Il vise aussi à maintenir la sécurité de l'approvionnement en électricité de la Bretagne jusqu'en 2026.
Le projet présenté par EDF comporte deux volets. Le premier est la création, en 2021-2022, d'une unité de fabrication de « black pellets », des granulés obtenus à partir de déchets de bois, principalement de déchets de meubles. L'unité doit produire 160 000 tonnes de pellets par an pendant 15 ans, pour un investissement estimé à 50-60 millions d'euros. Le second volet est la modification des deux tranches de la centrale et la réduction de leur puissance de 600 à 530 MW. Elles fonctionneront alors jusqu'en 2026, à raison de 400 h par an pour chacune d'elles (contre 3 000 à 5 000 h actuellement) à partir d'un mélange composé de 80 % de pellets et 20 % de charbon. L'investissement représente un peu moins de 10 millions d'euros par tranche.
Des scénarios incompatibles avec la législation française
L'un des principaux reproches formulés par l'Ae concerne le peu d'information sur le scénario de référence et les alternatives. EDF compare trois scénarios : un scénario « de référence » qui correspond au prolongement du fonctionnement au charbon ; un scénario « en l'absence de projet », qui correspond à l'arrêt de la centrale en 2026 (sans préciser le mode de fonctionnement entre 2022 et 2026) ; et le scénario Écocombust pour la période 2022-2026.
Mais, compte tenu de l'arrêt programmé des centrales à charbon en 2022, « l'Ae considère que le scénario de référence devrait être celui de la fermeture des [deux] tranches à l'horizon 2022 avec démantèlement des installations à un horizon raisonnable ». Écocombust devrait donc être évalué par rapport à la fermeture du site, plutôt que par rapport à une poursuite de l'activité rendue impossible depuis l'adoption de la loi de 2019. En outre, l'Ae estime que cette présentation d'Écocombust ne permet pas de « [percevoir] clairement ce qui relève d'une obligation législative ou réglementaire, d'un besoin d'équilibre énergétique temporaire, d'une stratégie de développement industriel, ou d'une politique de soutien social et économique ».
Dans le même esprit, l'Ae note l'absence d'évaluation de certaines alternatives permettant l'arrêt de l'utilisation du charbon, tout en assurant la sécurité de l'approvisionnement électrique de la Bretagne. Elle évoque notamment les pistes présentées par RTE en matière de maîtrise de la demande (effacement, développement de chauffages non électriques), d'optimisation du réseau de transport d'électricité ou encore d'utilisation d'un combustible sans charbon. Même reproche concernant l'approvisionnement de l'usine par voie fluviale ou ferrée qui n'est pas abordé, puisque seule le recours à la route est présenté par EDF.
Quid des rejets et de l'après 2026 ?
L'Autorité regrette aussi les incertitudes qui entourent les impacts de la fabrication des pellets, le procédé retenu étant encore en développement. Elle aimerait que soient mieux connues les caractéristiques des effluents liquides et gazeux, les dispositifs de traitement et les quantités d'effluents qui seront rejetées ou gérées sous forme de déchets solides et de boues. Ces sujets soulèvent une série de remarques et de demandes de précisions.
C'est aussi le cas des émissions de gaz à effet de serre (GES) qui sont évaluées dans la phase exploitation du projet à 149 500 tonnes de CO2 par an. Mais cette quantité laisse de côté de nombreuses sources, signale l'Ae : l'approvisionnement par camion de l'usine de fabrication des pellets, les émissions liées au fonctionnement de cette usine (qui comporte cinq chaudières au gaz, d'une puissance totale de 33 mégawatts (MW)), ou encore les éventuelles émissions induites par la soustraction des bois-déchets de leur chaîne actuelle de valorisation énergétique. Plus globalement, l'Ae « considère comme nécessaire de publier un bilan environnemental complet après une durée suffisante de fonctionnement » ainsi que la publication des rejets mesurés à la mise en service d'Écocombust.
Enfin, un autre reproche formulé par l'Ae concerne le devenir des installations après 2026, date à laquelle les deux tranches de la centrale doivent être arrêtées. EDF envisage de maintenir sur le site la production de pellets et de les vendre à d'autres opérateurs. « Le dossier est peu disert sur le fonctionnement de l'usine de pellets et ses débouchés à partir de 2026, alors que les impacts environnementaux de la période post-2026 s'inscriront dans la durée de façon significative », critique l'Ae. Elle demande à EDF d'exposer sa stratégie de commercialisation et les impacts environnementaux associé.