Aujourd'hui, ''l'aggravation de la crise environnementale remet le sujet au cœur de l'actualité. On prend à nouveau conscience que les terres sont en cours de dégradation et qu'il y a un appauvrissement de leur fertilité, en Afrique mais aussi en Europe. On se rend compte que les terres cultivables sont rares, et la course actuelle pour l'accaparement des terres met en exergue ces enjeux''. La menace d'un changement climatique global et les signes indicateurs de sécheresses à venir ont rendu plus aiguës encore ces préoccupations. Sécurité alimentaire, phénomènes extrêmes, perte de biodiversité ont en effet tous un dénominateur commun : les sols.
Europe : de la prise de conscience à l'inaction politique
L'Espagne, l'Italie et la Grèce sont classées par les Nations unies et l'Union européenne comme des régions à risque de désertification. Ces régions arides sont en effet plus fragiles que les autres et sont les premières à souffrir des nombreuses pressions, humaines et environnementales. L'irrigation intensive, l'industrialisation, l'agriculture, le tourisme, le climat, avec l'aggravation de phénomènes extrêmes (longues périodes de sécheresses, pluies intenses…), participent à la dégradation de ces sols. L'érosion s'intensifie alors que l'homme a souvent lui même déserté ces régions, abandonnant son rôle de structurateur du paysage. ''Si l'agriculture moderne surexploite les nappes et épuise les sols, pendant longtemps, l'agriculture a entretenu les paysages (cultures en terrasse…) et les écosystèmes cultivés ont rendus de nombreux services environnementaux (filtration de l'eau…)'', explique Richard Escadafal.
La désertification s'ajoute aux autres pressions pesant sur les sols. En Europe, selon France Nature Environnement, 50 % des sols seraient gravement touchés par la contamination, l'érosion, le tassement, l'urbanisation massive ou encore la désertification. La France n'est pas épargnée : 4 millions d'hectares seraient aujourd'hui appauvris par l'érosion.
S'il est difficile d'estimer les dégâts causés, il est aisé de lister la liste des services rendus par les sols en ''bonne santé'' : filtration de l'eau, production agricole, contribution aux écosystèmes… Dégradés, les sols perdent de leur efficacité : les rendements agricoles diminuent ou deviennent nuls, l'eau n'est plus filtrée et s'évapore, ruisselle…
''En Europe, contrairement aux pays africains où la situation est dramatique, ça ne va pas mettre en danger la vie en général. Cependant, la prise de conscience est là et l'Espagne ou la Turquie par exemple font de gros efforts de reboisement''.
Selon le projet européen MEDALUS, le retour à une végétation suffisante pour réduire de façon importante l'érosion des sols peut nécessiter 8 à 10 ans. Quant à l'amélioration du taux de remplissage des nappes phréatiques à la suite de la restauration des sols, elle pourrait demander 40 à 50 ans.
L'urgence écologique est reconnue par tous mais le sol reste encore le seul milieu à ne pas encore être protégé par un texte juridique, ni en droit européen, ni en droit français. Si la Commission européenne a décidé de s'attaquer à cette question en 2006 avec un projet de directive-cadre sur la protection des sols, l'initiative n'a pas abouti, rejetée par certains Etats membres dont la France. Malgré la volonté de la présidence actuelle espagnole de remettre le sujet sur l'agenda politique européen, le projet reste bloqué par une minorité d'Etats membres.
Afrique : les solutions existent mais manquent de soutien politique et financier
La désertification touche plus gravement les terres agricoles du continent africain, déjà constitué aux deux tiers par des déserts ou des terres arides. Pauvreté, mouvements de populations et insécurité alimentaire sont les conséquence dramatiques de ce phénomène qui, selon Richard Escadafal, n'est pas irrémédiable.
''En Afrique, la bonne santé des sols est une question de survie. Des essais à l'échelle locale de lutte contre la désertification ont eu de beaux succès. Il s'agit de relancer l'agriculture vivrière dans les campagnes, d'intensifier les modes de production, d'adapter les techniques, de réorganiser le système agricole et de s'appuyer sur les petits agriculteurs et les femmes, pour qu'ils s'approprient le sujet''.
La lutte contre la désertification souffre avant tout d'un manque d'engagement des politiques, au Nord comme au Sud. ''Il faut une réelle volonté politique et des moyens financiers conséquents pour généraliser ces expériences''.
Alors que 2010 a été désignée année internationale de la biodiversité, la convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification a souhaité mettre cette question au coeur de la célébration de la journée internationale de lutte contre la désertification, le 17 juin.