Dans cette perspective, le gouvernement a modifié la réglementation et les procédures applicables à l'éolien en mer : exclusion du dispositif des Zones de Développement de l'Eolien (ZDE) et suppression des procédures liée à l'urbanisme (permis de construire).
Mais une nouvelle procédure de décision a été mise en place. Au printemps 2009, l'Etat a ainsi demandé aux préfets des régions Bretagne, Pays de la Loire, Haute-Normandie, Aquitaine et Provence-Alpes-Côte d'Azur de mettre en place pour chaque façade maritime française une instance de concertation et de planification rassemblant l'ensemble des parties prenantes et des usagers de la mer.
Objectif ? Définir des zones propices ou non à l'installation de parcs éoliens offshore. Il s'agit de ''zones rouges à forts enjeux'' où l'éolien serait à priori totalement exclu, des ''zones oranges à enjeux modérés'' où l'éolien pourrait être toléré et des ''zones vertes à enjeux faibles'' qui ne poseraient aucune contrainte majeure à l'implantation d'éoliennes offshore. Pour définir ces zones, les critères principaux restent la profondeur et la vitesse du vent. Mais d'autres critères comme la présence ou non de zones naturelles protégées, de ressources de pêche, de voies maritimes commerciales ou encore d'activité d'extraction marines ont permis d'affiner les cartes.
Après plusieurs mois de concertation, l'ensemble des zones est sur le point d'être transmis au ministère de l'écologie. Les dernières devraient être définitivement validées d'ici quelques jours. Sur la façade méditerranéenne par exemple, les travaux ont conclu que les zones d'implantations les plus importantes et les plus propices sont situées au large des côtes languedociennes. 300 MW pourraient y être installés. En Bretagne, une zone de 190 km² va être proposée au large de Saint-Brieuc tandis que le secteur situé au large de la pointe du Grouin (Saint-Malo) n'a pas été retenu. En Aquitaine, les réflexions ont abouti à une zone de 100 km2 au large d'Hourtin.
La région Poitou-Charentes exempte de zones propices
Aucune zone n'a en revanche été retenue au large de la région Poitou-Charentes, ce qui inquiète les professionnels de l'éolien. La branche éolienne du Syndicat des Energies Renouvelables (France Energie Eolienne) remarque que les critères de classification des zones diffèrent entre chaque façade maritime. Jean-Mathieu Kolb, directeur de l'offshore à la Compagnie du Vent confirme que les méthodologies employées n'ont pas été les mêmes d'une façade à une autre. Selon Sylvain Benoist, assistant chef de projet éolien offshore chez Enertag, la présence de zones Natura 2000 oiseaux (Zone de Protection Spéciale pour les oiseaux) a été défini comme critère d'exclusion pour la façade Poitou-Charentes alors que sur d'autres façades maritimes ce n'est pas le cas. ''Ce critère revient à exclure d'office 800.000 ha, alors que la région a affirmé cet été vouloir porter à 30% la part des renouvelables dans son bouquet énergétique d'ici 2020'', explique-t-il. ''Ne fermons pas les portes à des projets'', insiste-t-il.
Mais pour la Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL), ce critère est justifié au regard des incertitudes concernant les impacts environnementaux des parcs éoliens en mer : ''en matière d'impacts négatifs, le doute doit toujours profiter aux oiseaux selon la jurisprudence européenne. Tant que nous n'avons pas de preuve que les éoliennes sont sans danger pour les oiseaux, le principe de précaution doit bel et bien s'appliquer'', estime la DREAL selon le compte-rendu de la dernière réunion.
Pour Xavier Desurmont, chargé de mission littoral à la préfecture d'Aquitaine, il ne s'agit pas d'interdire l'éolien offshore au large de la région : ''les promoteurs pourront s'ils le souhaitent proposer un projet de parc éolien en dehors des zones propices. Il faudra cependant bien argumenter et prendre en compte les enjeux majeurs [identifiés dans cette cartographie]''.
Toutefois, ces cartes constitueront la base de l'appel d'offres de 3.000 MW que l'Etat compte lancer d'ici début octobre. Comme le précise le ministère, ''les promoteurs de parcs éoliens seront invités à privilégier ces zones pour lancer leurs projets''. Et ils ont tout intérêt à passer par cette voie : en effet, selon les professionnels, le tarif d'achat de l'électricité éolienne fixé à 13 centimes d'euros par kWh n'est pas rentable actuellement en France. Or dans le cadre de l'appel d'offres, les promoteurs présenteront chacun leur projet assorti d'un tarif d'achat qu'ils auront eux-même fixé. Même si le choix final des projets reviendra à l'État pour qui l'aspect financier sera sans doute important, les promoteurs espèrent bien bénéficier de meilleurs tarifs.
L'incertitude pour les projets en cours
L'incertitude demeure toutefois pour les projets en cours et déjà bien avancés à l'instar du parc prévu au large de Veulettes-sur-mer en Seine-Maritime, seul parc sélectionné par l'appel d'offres de l'Etat lancé en 2004 ou celui des Deux-Côtes dont le débat public vient de se clore. Si la Compagnie du Vent, promoteur du parc des Deux-Côtes, se dit confiant, Enertag, initiateur du projet au large de la côte d'Albâtre, constate que pour l'instant son projet est situé en dehors de la zone propice définit pour la façade manche, une preuve de plus selon lui de l'incohérence des réflexions en cours. ''L'Etat ne s'appuie même pas sur ce qui est déjà fait'', regrette-t-il. En attendant le résultat du recours déposé par un particulier à l'encontre de son projet, la société réfléchit déjà au devenir de son parc : ''notre parc pourrait servir de projet pilote et de test administratif'', plaide Sylvain Benoist.
Certains élus commencent également à réagir. En apprenant que le projet de parc éolien en cours de réflexion au large de Fecamp pourrait ne pas se situer dans les zones propices identifiées par l'Etat, Estelle Grelier, Présidente de la Communauté de communes de Fécamp et Députée européenne, et Patrick Jeanne, Maire de Fécamp et Vice-Président du Département de Seine-Maritime, viennent d'adresser un courrier au ministère pour faire part de leur ''étonnement'' et de leur ''inquiétude''. ''Cette information, si elle était confirmée, constituerait un véritable coup de poignard pour notre territoire'', écrivent les élus fécampois en soulignant que ''le projet éolien offshore des Hautes-Falaises a, depuis 3 ans, fait l'objet d'un important travail de préparation et de concertation, notamment avec la communauté des pêcheurs. Celle-ci a été étroitement associée au choix de son emplacement et lui a apporté son soutien appuyé''. ''Il s'agit d'un projet d'intérêt général qui devrait donner lieu à la création d'un nombre important de nouveaux emplois'', argumentent-ils.