Lutter contre la biopiraterie. Tel est l'objectif du protocole de Nagoya adopté en 2010 qui encadre l'accès aux ressources génétiques et le partage des avantages (APA) qui peut en résulter. Ce dispositif est censé être mis en œuvre en France de façon contraignante via un dispositif réglementaire complet pris en application du règlement européen de 2014 et de la loi de reconquête de la biodiversité de 2016.
"Lacune particulièrement regrettable"
"Nous recommandons de recenser les communautés d'habitants détentrices de connaissances traditionnelles et de créer pour chaque communauté la personne morale de droit public prévue par la loi", indique Mme Bassire. L'objectif est de permettre à ces communautés de faire valoir leurs droits au partage des avantages et de préserver leur patrimoine de connaissances. Les communautés concernées se situent en Guyane, à Wallis-et-Futuna et à La Réunion.
Cette exigence correspond aux principaux textes manquants mais d'autres sont également attendus. Ils doivent notamment porter sur le dispositif de partage des avantages pour les ressources microbiologiques. "Ces dispositions sont attendues par le secteur médical et pharmaceutique (…) pour assurer le plus rapidement possible l'accès aux ressources biologiques utiles pour lutter contre la propagation des maladies", pointent les auteurs de la mission.
La loi biodiversité habilitait par ailleurs le Gouvernement à prendre des ordonnances encadrant les ressources génétiques pour lesquelles le dispositif général APA n'est pas applicable : ressources des espèces cultivées et domestiquées, ressources pour la prévention et la maîtrise des risques graves pour la santé humaine. Or, faute d'avoir pris ces ordonnances avant la dead line fixée au 9 février 2018, l'habilitation est devenue caduque et un nouveau texte législatif sera nécessaire. Cette carence a été pointée par le Groupement national interprofessionnel des semences et plans (GNIS) comme "une lacune particulièrement regrettable", rapportent les députées.
Dispositif mal connu et mal compris
La deuxième recommandation de la mission porte sur l'adoption d'une doctrine d'interprétation claire du dispositif. Ce dernier est en effet perçu incomplet mais surtout "mal connu et mal compris", concluent les parlementaires à l'issue des nombreuses auditions menées. Celles-ci rapportent les interrogations de plusieurs parties prenantes : celles de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) sur la complexité du dispositif pour les acteurs scientifiques français, celles du Muséum qui a réclamé une exclusion du champ d'application de l'APA, mais aussi celles provenant des entreprises.
Les Entreprises du médicament ont ainsi exprimé "de vives critiques sur l'ensemble du dispositif législatif, sur son insuffisante lisibilité, sur la lourdeur des sanctions (…) en contestant l'intérêt même de la procédure APA, qui nuirait à l'attractivité de la recherche en France", rapportent Mmes Bassire et Tuffnell. La Fédération des entreprises de la beauté (Febea) a, de son côté, sensibilisé la mission sur l'impact du dispositif sur la compétitivité française.
Le malaise des organismes de recherche comme des entreprises commerciales viendrait aussi des défaillances de l'Administration et du manque de dialogue entre ministères. Le ministère de la Transition écologique, acteur principal du dispositif, annonce en effet l'échéance de 2020 pour disposer d'une organisation administrative pleinement opérationnelle. 2018 est en effet consacrée à la mise en place du dispositif d'instruction des déclarations et autorisations, 2019 à la mise en place d'un dispositif de contrôle.
Autre sujet de préoccupation et non des moindres : les premiers bénéficiaires du dispositif, collectivités et communautés d'habitants d'outre-mer, "ne manifestent pas d'intérêt ou de soutien à la démarche à ce stade", déplorent les deux élues.