À l'occasion de la réélection de son président, François Excoffier, le 6 février, la Fédération des entreprises du recyclage (Federec) a justifié le tournant judiciaire pris depuis deux ans. Les recours déposés contre divers textes règlementaires encadrant les filières de responsabilité élargie des producteurs (REP) ne relèvent pas d'« une politique agressive », assure son président, mais plutôt d'« une politique de vérification du droit ». La fédération, qui se dit « toujours prête à discuter », veut s'assurer que les textes qui, selon elle, menacent certaines activités de ses adhérents sont bien conformes au droit. Cette crainte concerne essentiellement les pouvoirs accordés aux éco-organismes.
Federec questionne la « REP à la française »
Concrètement, la fédération constate que « la loi Antigaspillage pour une économie circulaire (Agec) vient, dans l'esprit du législateur, structurer le cadre des filières REP comme vecteur d'accélération de la réduction des déchets ultimes et de développement du recyclage ». Cette approche a été complétée en 2021 avec la loi Climat et résilience, notamment sur les véhicules hors d'usage (VHU) et les emballages. Une fois la réforme achevée, la France disposera de 22 filières REP, contre neuf avant l'adoption de la loi Agec.
Ce qui pose un problème à Federec, c'est l'instauration d'une « REP à la française » qui « [donne] des moyens considérables aux éco-organismes, bras opérationnels des REP pour développer le réemploi et la réutilisation, la réparation, le recyclage et sanctuariser des moyens de R&D entre les mains des metteurs en marché ».
Aujourd'hui, les REP représentent près de 4 milliards d'euros d'écocontributions. Et la fédération de regretter que « les éco-organismes, en situation dominante, ont une emprise de plus en plus forte sur les marchés, couvrant à terme près de 80 % du chiffre d'affaires des entreprises ». Ce dispositif « vient percuter le modèle économique et les marchés historiques de Federec ». D'où la volonté de la fédération de s'assurer que la règlementation qui met en œuvre la REP et encadre l'intervention des éco-organismes soit cohérente avec la législation et le droit européen.
Préserver l'accès aux matières
Federec s'interroge d'abord sur la légalité du « flux développement » qui place les emballages en plastique peu, mal ou pas recyclés « entre les mains exclusives des éco-organismes agréés ». La fédération, ainsi que la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement (Fnade) et le Syndicat national des entrepreneurs de la filière déchet (Snefid), a donc contesté devant le Conseil d'État l'arrêté de mars 2022 qui impose aux centres de tri de céder le flux développement aux éco-organismes de la REP emballages ménagers. Les trois fédérations considèrent que leurs adhérents perdent l'accès aux matières en amont des marchés, et notamment l'accès aux bouteilles en polyéthylène téréphtalate (PET) coloré.
Quid du droit de la concurrence ?
Dans le même esprit, Federec a déposé un premier recours contre le
Parallèlement, Federec, la Fnade et le Snefid se sont tournés vers l'Autorité de la concurrence. Depuis septembre 2022, ils ont réalisé un « travail détaillé (…) et [ont soulevé] différentes questions précises relatives aux pratiques contractuelles et commerciales de plusieurs éco-organismes ». L'Autorité a décidé de ne pas se saisir du dossier, « préférant renvoyer Federec à une démarche contentieuse ». La fédération étudie encore l'opportunité d'engager des recours contentieux.
Protection des données commerciales
La fédération s'interroge aussi sur la légalité de certaines dispositions vis-à-vis de la protection de certaines données confidentielles. C'est le cas de l'arrêté de décembre 2022 relatif aux données des filières REP qui « remet formellement entre les mains et sous la responsabilité des éco-organismes toutes les données commerciales d'entreprises ». Federec a saisi le Conseil d'État « afin de demander des garde-fous dans l'usage et la protection de ces données ».
C'est aussi le cas du décret de mars 2021 qui crée un bordereau de suivi numérique pour les déchets dangereux (Trackdéchet) qui été attaqué devant le Conseil d'État « pour défendre la confidentialité des données jugée insuffisante ». En juillet dernier, ce recours a été tranché en défaveur de Federec, la Haute Juridiction considérant que l'accès aux données, leur confidentialité et leur conservation seront encadrés par des arrêtés. Le texte attaqué ne s'oppose donc pas à la protection du secret des affaires, puisqu'il « n'a pas pour objet de préciser les conditions d'accès des tiers aux informations transmises et enregistrées », a considéré le Conseil d'État.