Dans un rapport d'information présenté le 30 septembre, les députés de la commission des Finances Hervé Mariton (UMP, Drôme) et Marc Goua (PS, Maine-et-Loire) remettent en question la fermeture anticipée de la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin), pour des raisons financières. Ceux-ci ont tenté de déterminer les coûts de cette fermeture annoncée par le gouvernement en 2016. Ils l'évaluent entre 750 M€ et 5 Mds€ selon les scénarios. Un dernier chiffre jugé "farfelu" par la ministre de l'Ecologie, interrogée sur France Inter. Les deux députés extrapolent "rapidement" cette estimation à la fermeture anticipée d'une vingtaine de réacteurs pour parvenir à la baisse de la part du nucléaire dans le mix électrique de 75 à 50% à l'horizon 2025… et parviennent à une facture pour l'Etat de 40 Mds€ ! Un montant auquel il faut ajouter les coûts de démantèlement et les coûts sociaux, précisent les élus.
Une indemnisation difficile à calculer
Les deux députés ont dû sortir leurs calculettes pour évaluer le montant de l'indemnisation que pourraient réclamer EDF et ses partenaires pour la fermeture de Fessenheim. En effet, ils rappellent que l'exploitant a obtenu le feu vert de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour le prolongement de l'exploitation de ses deux réacteurs jusqu'à quarante ans, à condition de réaliser des investissements de sûreté. EDF a depuis réalisé les travaux pour se conformer à ces prescriptions.
Les élus regrettent de ne pas avoir obtenu d'estimation de la part de l'Etat ou d'EDF. Pas étonnant : une véritable partie de poker semble avoir été engagée pour déterminer le manque à gagner pour l'exploitant. De nombreux arguments seront avancés par les deux parties pour faire augmenter ou baisser le montant de l'indemnisation : coût du maintien de la sûreté, amortissement des investissements réalisés, durée de vie des centrales (40 ans, 60 ans, au-delà ?), évolution du prix de l'énergie, sécurité électrique…
Sur ce dernier point, les députés reconnaissent que le gouvernement a inscrit dans le projet de loi de transition énergétique les moyens juridiques lui permettant de procéder à la fermeture d'une centrale, pour des raisons autres que la sûreté nucléaire.
Fermer une autre centrale ou repousser la fermeture de Fessenheim ?
"Nous trouvons très justifié l'objectif de diversification de mix énergétique. Mais il n'est pas raisonnable de précipiter artificiellement la baisse de nucléaire", analysent les députés. En 2011, un rapport présenté par l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques estimait également qu'une sortie précipitée du nucléaire déséquilibrerait l'économie française et préconisait une trajectoire plus lente.
Hervé Mariton et Marc Goua préconisent donc un report de la fermeture de Fessenheim. Mais dans leurs travaux, ils effleurent une autre solution : fermer une autre centrale, sur laquelle des investissements n'auraient pas encore été réalisés. En effet, le projet de loi de transition énergétique plafonne la capacité nucléaire à la situation actuelle (63 GW), ce qui signifie que la mise en service en 2016-2017 de l'EPR de Flamanville sera conditionnée à la fermeture de son équivalent en capacité nucléaire. Le texte ne mentionne pas explicitement Fessenheim, l'exploitant reste donc libre d'opter pour la fermeture d'autres réacteurs. "Il n'existe objectivement aucune raison de sélectionner le site de Fessenheim plutôt qu'un autre", indiquent les députés.
Toujours sur France inter, Ségolène Royal a déclaré qu'elle regarderait "avec pragmatisme (...) quelles sont les propositions de l'entreprise par rapport au choix le plus judicieux, c'est-à-dire quels sont les deux réacteurs qui coûtent le plus cher en termes d'investissement pour être remis aux normes, et une décision sera prise". Elle a précisé que sa "préférence va vers la fermeture de réacteurs sur un site où il y a plus de deux réacteurs" afin d'éviter "la fermeture complète d'un site industriel".