Lac d'Allos dans le Mercantour
© Carine Seghier
© Carine Seghier
Ce projet va mobiliser des scientifiques de toute l'Europe, voire au-delà. Ce sera une analyse très puissante et très coordonnée du monde biologique vivant dans sur ces territoires, explique Gaël Lancelot, de l'EDIT. Le MNHN a déjà travaillé sur le parc national du Mercantour, il recense un milieu assez bien connu pour que les scientifiques puissent entreprendre leurs travaux rapidement mais beaucoup de choses restent à découvrir et approfondir. Certains groupes d'espèces sont connus comme les mammifères, les oiseaux, les plantes… Mais beaucoup nécessitent davantage de connaissances, comme les mousses, les vers de terre…
Une trentaine de scientifiques, des taxinomistes, issus de 28 centres de recherches différents, seront mobilisés pendant une dizaine d'années. L'idée, c'est de jouer sur le long terme et le suivi des espèces. Il s'agira de connaître l'impact du changement climatique sur les différentes espèces, l'évolution de celles-ci, la disparition de certaines…
L'objectif est d'accélérer la connaissance scientifique des espèces, afin de mieux comprendre et donc de mieux lutter contre l'érosion de la biodiversité. Des méthodes de suivi de l'évolution de la biodiversité dans l'espace et dans le temps devront être mises en place, l'objectif à terme étant de pouvoir les appliquer à d'autres espaces.
A la lisière des écosystèmes marins et montagneux
Les deux parcs, versant français et italien, sont d'un grand intérêt écologique. Situés à la lisière des écosystèmes marins et montagneux, leurs territoires sont le berceau d'espèces très variées. S'étendant sur près de 2 450 km², répartis sur 8 vallées alpines, allant de 300 à 3.200 mètres d'altitude, les deux parcs offrent une très grande variété de situations écologiques. Une cinquantaine d'habitats naturels est ainsi recensée aujourd'hui.
Ces parcs constituent le dernier maillon de la chaîne alpine avant la Méditerranée, explique Florent Favier, du parc national du Mercantour. Ils comptent une dizaine de sommets à plus de 3000 mètres d'altitude situés à seulement 30 km de la mer à vol d'oiseau. C'est une situation exceptionnelle. On est à un carrefour entre plusieurs influences : le climat provençal, l'influence méditerranéenne, l'influence alpine… De ce fait, c'est un des rares endroits au monde où se rencontrent des espèces qui ne se rencontrent que très rarement. On passe très rapidement des oliviers à la flore alpine, on va croiser par exemple la chouette Tenglman, qui vit généralement en Sibérie, et le hibou Petit Duc qui lui vient d'Afrique du Nord. Retrouver ces deux espèces sur un même territoire est unique au monde. L'encaissement des vallées a permis également à un certain nombre d'espèces glaciaires de se maintenir. On trouve ainsi des reliques de l'aire glaciaire sur ces territoires.
Des territoires qui font d'ailleurs partie des 34 hot spots de biodiversité identifiés dans le monde.
Un consortium européen de centres de recherche mobilisé
Une dizaine de scientifique s'est déjà rendue sur place afin d'effectuer un repérage des postes de recherche. Plusieurs sites tests, recouvrant une dizaine de km² et présentant une grande variété d'habitats naturels devraient ainsi être sélectionnés avant de débuter les travaux en juillet. Des chercheurs y mènent actuellement les premières prospections de terrain qui permettront d'étalonner les méthodes d'échantillonnage.
Ce projet s'inscrit dans le cadre de l'European Distributed Institute of Taxonomy, un consortium européen créé en 2006 et rassemblant jardins botaniques et muséums d'histoire naturelle. Coordonné par le MNHN, il est constitué de 18 institutions européennes, 2 institutions russes, 2 institutions nord-américaines et 2 réseaux européens consacrés à l'information taxonomique.
Le projet bénéficie du soutien financier du Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du Territoire en France, du Gouvernement de la Principauté de Monaco et de la Fondation Prince Albert II de Monaco.
Cette aventure scientifique fera de ce territoire franco-italien l'un des sites pilotes de l'étude de la biodiversité au niveau mondial. A l'heure actuelle, un seul inventaire de ce type a été réalisé dans le monde, aux Etats-Unis.
Article publié le 16 juin 2008