Nouvelle étape dans le Phonegate, ce combat de Marc Arazi pour connaître les émissions réelles des téléphones portables : le lanceur d'alerte a déposé un recours le vendredi 1er décembreau tribunal administratif de Melun pour demander la publication des mesures effectuées par l'Agence nationale des fréquences (ANFR).
Des mesures en conditions réelles
Sur les mesures de DAS
Il n'existe pas une méthode de mesure de DAS, mais deux. L'Europe a retenu le protocole de l'Icnirp (Commission internationale sur la protection contre les rayonnements non ionisants), suivi par 150 pays : la mesure se fait au contact de la peau, sur l'équivalent de 10 grammes de tissu humain, pendant 6 minutes. Mais 19 autres pays suivent le protocole de l'agence d'Etat américaine, la FCC, à 15 mm de la peau, sur l'équivalent de 1 g de tissu humain et pendant 30 minutes. "La différence de méthode de mesure entre les deux organisations conduit à des DAS jusqu'à 3 fois plus élevés pour les normes Icnirp", décrypte Marc Arazi. Le sujet n'est donc pas seulement franco-français. D'autant que l'agence de santé américaine (FDA, Food & Drug Administration), informée de ces mesures, est entrée en contact avec l'agence française pour en discuter les résultats. Cependant, ni l'ANFR ni l'Anses ne confirment cette demande.
Par ailleurs, le DAS ne mesure que les effets thermiques de l'exposition aux ondes. Or, plusieurs études scientifiques ont montré qu'il existe également des effets athermiques, encore non considérés.
Pour obtenir la publication des données de l'ANFR, Marc Arazi a déposé le 18 février 2017 un référé mesures utiles au tribunal administratif de Melun. Le 20 avril 2017, il est débouté du référé. Quelques jours plus tard, le 27 avril, la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) demande à son tour à l'ANFR de publier ses données (3) "La commission considère (…) que les résultats des mesures de débit d'absorption spécifique des téléphones mobiles transmis à l'Anses le 15 juillet 2015 sont communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L124-1 du code de l'environnement".
Première publication en juin 2017
En juin 2017, l'ANFR semble accéder à ces demandes en publiant une partie des données pour 379 appareils. "En fait, l'ANFR a publié 5 % des données ! J'ai demandé la totalité des données. En septembre 2017, l'ANFR a promis de les publier", indique Marc Arazi. Mais toujours rien. Face à cette inertie, il décide de déposer un recours au fond au tribunal. C'est désormais chose faite.
"Nous n'avons pas publié des données conformément au code des commissions électroniques. Mais nous avons interrogé la Cada pour savoir, entre le code des commissions électroniques et le code de l'environnement, lequel primait. En mai 2017, la Cada nous a informé que c'est le code de l'environnement. Donc en juin, nous avons publié les informations", explique Gilles Brebant, directeur général de l'ANFR. Pour les données complètes (plus d'une dizaine de pages pour chaque test), c'est "une affaire de semaines", assure-t-il.
"C'est un enjeu de santé publique : 60 millions de Français ont un téléphone portable avec un niveau de radiation supérieur à ce qui est acceptable pour leur santé." L'ANFR, et donc sa tutelle le ministère de l'Industrie, sont au courant. Marc Arazi a par ailleurs informé les ministres de la Santé, Agnès Buzyn, et de la Transition écologique, Nicolas Hulot, par courrier recommandé sur la responsabilité de l'Etat. "Nous allons nous organiser pour être plus pédagogues et plus transparents", promet Gilles Brebant.
A noter que le ministère de la Transition écologique vient de lancer une campagne d'information sur le bon usage des téléphones mobiles ainsi que la mise en place d'un comité national de dialogue entre les parties prenantes et l'extension des mesures de l'exposition du logement aux radiofréquences (jusqu'à présent limitée aux antennes-relais et aux téléphones portables) à tous les objets connectés.
Peu de mesures sur les téléphones reconditionnés
La question se pose aussi pour les appareils reconditionnés. Selon l'ANFR, la législation (et donc la conformité de la mesure) s'applique aux produits neufs mais aussi aux produits "ayant fait l'objet de modifications ou de transformations importantes visant à modifier sa performance, sa destination ou son type d'origine peu[vent] être considéré[s] comme un nouveau produit". Mais ces prélèvements sont rares, les appareils étant testés au moment de leur mise sur le marché. "A priori, un téléphone reconditionné a le même comportement que neuf. La contrainte de place dans un téléphone faisant que les composants ne sont pas interchangeables", indique le directeur général de l'ANFR.