En Bretagne, la méthanisation agricole tire vers le haut la production de biogaz. En janvier 2014, la région comptait 41 unités de production et de valorisation de biogaz en fonctionnement, pour une puissance de 11 mégawatts (MW) et une valorisation de quelque 500.000 tonnes de déchets organiques. Ce n'est qu'un début, espère le conseil régional, puisque le gisement mobilisable est de quatre à huit fois supérieur à ce qui est mobilisé à l'heure actuelle, y compris en incluant la quarantaine de projets en cours. C'est ce qui ressort de l'étude "Bilan régional et perspectives de développement de la filière méthanisation en Bretagne", présenté mi-septembre 2014 et réalisée par le conseil régional, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et l'Association d'initiatives locales pour l'énergie et l'environnement (AILE).
Depuis 2007, rappelle l'étude, deux plans biogaz soutenus par l'Ademe, les conseils régionaux de Bretagne et Pays de la Loire et animés par AILE ont été mis en place. Cette démarche a abouti au lancement régulier de sessions dans le cadre de l'appel à projets Plan biogaz. En 2014, trois sessions ont déjà été lancées et une quatrième devrait l'être d'ici la fin de l'année. Parallèlement, l'Ademe Bretagne et le Conseil régional de Bretagne ont lancé un appel à projets complémentaire destiné à aider les groupements de producteurs, des coopératives ou encore des territoires.
Au plan national, en août 2009, François Fillon, alors Premier ministre, annonçait vouloir lutter contre les algues vertes en Bretagne grâce à la méthanisation des effluents d'élevage, une solution qui permettrait de réduire les apports en azote liés à des épandages excessifs. Cette approche s'est concrétisée en février 2010 avec la présentation d'un plan d'action de lutte contre les algues vertes. Après l'élection de François Hollande à la présidence de la République, la nouvelle majorité reprend à son compte cette stratégie et lance le plan "Energie Méthanisation Autonomie Azote" (EMAA) en mars 2013. L'effort de l'Etat s'est illustré par le financement de 17 unités de méthanisation des effluents agricoles sur les bassins versants concernés par les algues vertes, en amont des zones littorales les plus touchées. Quatre de ces unités sont déjà en service.
L'agriculture tire la méthanisation bretonne
Globalement, en sept ans, les deux plans régionaux successifs ont permis de soutenir 112 projets sur les deux régions, pour un soutien public de 73 millions d'euros sur un investissement total de 315 millions. En Bretagne, ce sont 72 projets qui ont bénéficié de fonds publics, pour un budget de 37 millions d'euros. Les unités bretonnes devraient permettre de valoriser 932.000 tonnes de déchets organiques, dont 40% d'effluents d'élevage, 50% d'autres déchets et 10% de produits agricoles. Quant à la valorisation du biogaz des 41 unités bretonnes en activité, elle se fait avant tout en moteur de cogénération, c'est-à-dire en production simultanée d'électricité injectée sur le réseau régional et de la chaleur valorisée à proximité du lieu de production.
"Bien que le premier projet de méthanisation développé sur le territoire soit un projet collectif (Géotexia), l'écrasante majorité des projets accompagnés sont portés par des agriculteurs de manière individuelle", explique l'AILE, précisant que pour les projets soutenus, la proportion de projet agricole est de 80%. Ainsi, 24 des 41 unités régionales sont des sites à la ferme. Elles produisent 7.500 tonnes équivalent pétrole (tep) d'énergie primaire sous forme de biogaz et représentent une puissance électrique de 4.931 kilowatts (kW). A cela, s'ajoutent trois unités collectives agricoles (1.785 tep de biogaz et 840 kW de puissance électrique installée) qui rassemblent de 4 à 15 agriculteurs et une unité centralisée (2.805 tep de biogaz et 1.600 kW de puissance électrique installée). Les treize autres unités sont associées à des stations d'épuration (6 unités), des sites industriels agroalimentaires (4), des décharges (2) et à la valorisation de la fraction fermentescible des ordures ménagères (FFOM).
Une filière qui se structure
Par ailleurs, dans le cadre du pacte électrique breton et du schéma régional climat air énergie (SRCAE), la région s'est fixée un "très ambitieux" objectif de 100 MW de puissance électrique pour la méthanisation à l'horizon 2020. Aujourd'hui, avec près de 20 MW installés début 2014, "les résultats actuels sont en phase avec les objectifs affichés". Mais l'effort à consentir reste important puisqu'"il faut permettre la réalisation chaque année d'une puissance identique à l'ensemble de ce qui a été aidé jusqu'à présent".
La Bretagne bénéficie maintenant de l'implantation progressive des entreprises du secteur. "Avant la mise en place du premier plan biogaz, aucun constructeur n'était recensé sur le territoire", rappelle l'AILE, ajoutant qu'aujourd'hui 30 entreprises sont basées en Bretagne et en Pays de Loire. Ce sont donc seize constructeurs, quinze organismes professionnels agricoles, sept bureaux d'étude et cinq développeurs qui constituent aujourd'hui la filière méthanisation dans l'Ouest. D'autre part, des partenariats inter-régions ont été établis, permettant de référencer près de 70 entreprises afin de favoriser le transfert de technologies et savoir-faire.
Seul bémol, "en tant qu'effluent d'installation classée, le digestat est un déchet soumis à plan d'épandage", rappelle l'AILE, expliquant que "les contraintes administratives très lourdes pour modifier un plan d'épandage sont des obstacles à la substitution des engrais minéraux par les digestats". Par ailleurs, la matière pose problème puisque, si les essais au champ ont confirmé leur valeur fertilisante, ils ont aussi montré un risque de volatilisation de l'azote en conditions douces et sèches. Son utilisation au début du printemps est donc compliquée. Enfin, reste l'épineux problème de la normalisation des digestats, sur laquelle l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a émis un avis négatif, ou de leur homologation qui reste onéreuse. Cette dernière démarche dure entre 12 et 18 mois, avec un coût de 20 à 40.000 euros, explique l'AILE.