L'Etat entend renégocier le contrat de mise en oeuvre de l'écotaxe poids-lourds avec le consortium Ecomouv' chargé du dispositif, a annoncé le ministre de l'Economie Pierre Moscovici, dans un entretien à RMC et BFMTV mardi 5 novembre.
Prévue le 1er janvier 2014, l'écotaxe a été suspendue le 29 octobre mais a "vocation" à entrer en vigueur, a confirmé le ministre. "Il n'y a aucune ambiguïté, l'écotaxe est suspendue jusqu'à ce que l'on soit en mesure de l'appliquer", a-t-il déclaré. Pour le ministre, il faut "parvenir à un consensus". Concernant le coût de la suspension : "L'Etat fera tout pour qu'il soit minimal", a-t-il affirmé. Le montant des indemnités versées par l'Etat à Ecomouv' est estimé à 55 millions d'euros par trimestre sur une période de 13 ans.
Mais M. Moscovici estime que la société "ne s'est pas acquittée de ses responsabilités" et "nous serions fondés à la mettre en cause compte tenu de la non-exécution d'un certain nombre d'obligations", a-t-il déclaré.
Selon BFMTV (1) , l'Etat pourrait à son tour réclamer des indemnités de retard à Ecomouv' de l'ordre de 20 millions d'euros en raison de dysfonctionnements du dispositif qui n'était toujours pas opérationnel à la mi-juillet. Ce qui avait causé son report à janvier 2014 alors qu'il devait entrer en vigueur le 1er octobre 2013. Le contrat chiffrerait à 266.000 euros les indemnités par jour de retard imputées au consortium. Soit un total d'environ 20 millions d'euros aujourd'hui, rapporte la chaîne d'information. Or, en septembre dernier, le ministre en charge des Transports Frédéric Cuvillier jugeait que la recherche d'éventuels responsables à ce retard "n'était pas prioritaire".
De son côté, le consortium - qui réunit le groupe italien Autostrade et les français SFR (groupe Vivendi), SNCF, Steria et Thales - affirme que le dispositif des portiques aurait été prêt au 1er janvier 2014.
Enquête sur le contrat signé avec Ecomouv'
L'écotaxe doit rapporter 1,15 milliard d'euros par an, dont 20% pour Écomouv', soit 250 millions d'euros. Mais ce montant versé à la société, prévu par le contrat signé en octobre 2011 avec l'ex-gouvernement Fillon, fait désormais polémique, depuis la suspension de la taxe. "Nous voulons savoir dans quelles conditions précises a été négocié et passé ce contrat et à quoi correspondent les obligations financières", a indiqué Pierre Moscovici, en annonçant une "négociation très serrée car je veux absolument que le coût de cette opération soit minimal pour le contribuable français".
De leur côté, les sénateurs socialistes ont approuvé mardi 5 novembre la création d'une commission parlementaire qui enquêtera sur ce contrat. "De nombreuses informations circulent sur les conditions d'attribution du marché de mise en oeuvre de l'écotaxe", a déclaré dans un communiqué François Rebsamen, le président du groupe socialiste au Sénat, en évoquant les nombreuses interrogations qui pèsent sur "les clauses financières" du marché.
Plusieurs députés se questionnent également à l'instar du député EELV des Bouches-du-Rhône François-Michel Lambert. "Comment ne pas s'interroger sur le montage juridique, validé par le gouvernement Fillon, qui permet d'échapper aux règles des marchés publics, et de rétribuer Ecomouv' à hauteur de 18,3% des sommes collectées. Alors que l'administration fiscale a un taux de seulement 1% ", a-t-il déclaré mardi, lors des questions au gouvernement.
La droite et la gauche se renvoient la balle
"La signature du contrat par l'ancien gouvernement lie aujourd'hui l'Etat. Un contrat qui est opposable à la fois en terme de loyer [estimé] à 250 millions d'euros par an mais également d'investissement qui correspond à ce loyer. Ce partenariat public-privé a été une volonté de l'ancien gouvernement", a répondu Frédéric Cuvillier à M. Lambert.
Dominique Bussereau, député UMP de Charente-Maritime et ancien ministre des Transports, a lui réaffirmé, mardi lors des questions au gouvernement, que "tout a[vait] été fait dans la transparence et l'intérêt des Français" concernant le contrat d'Ecomouv'. Les 20% [versés au consortium] sont en effet élevés mais nous avions choisi de taxer 1% du réseau routier national, au taux le plus bas possible pour les utilisateurs".