Quelques jours après la publication de la Cour des comptes analysant l'échec français en matière de réduction de l'usage des produits phytopharmaceutiques, c'est au tour de la Cour des comptes européenne de livrer son avis (1) sur les résultats européens en la matière. Et le diagnostic est sans appel : les avancées en matière de réduction des pesticides sont timides. La raison ? La réglementation est peu contraignante, les contrôles sont rares, les alternatives peu nombreuses et la surveillance des impacts sanitaires et environnementaux est faible.
La Cour des comptes européenne recommande donc des mesures plus contraignantes dans le cadre de la prochaine politique agricole commune (PAC) pour 2021-2027. Dans le cadre du Pacte vert, la Commission européenne a bien annoncé qu'elle mettrait en place des objectifs quantitatifs de réduction des risques et d'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Cependant, rappelle-t-elle dans sa réponse à la Cour des comptes européenne, au nom du principe de subsidiarité, il revient à chaque État membre de mettre en place les moyens pour y parvenir et d'afficher davantage d'ambition.
Les phytosanitaires doivent être utilisés en dernier recours
La Cour des comptes européenne rappelle que la réglementation impose depuis 2014 aux agriculteurs, d'avoir recours à la lutte intégrée contre les ennemis des cultures (méthodes préventives, physiques, biologiques ou autres méthodes non chimiques). Selon elle, cela « signifie qu'ils ne devraient recourir aux produits phytopharmaceutiques qu'en cas d'échec ou d'inefficacité des mesures de prévention et des autres méthodes employées ».
Elle constate cependant que peu de contrôles sont réalisés sur le respect de cette hiérarchie de traitements. La Cour recommande donc à la Commission de « s'assurer que les États membres traduisent les principes généraux en matière de lutte intégrée contre les ennemis des cultures en critères pratiques et mesurables et qu'ils en vérifient le respect au niveau des exploitations ». Elle demande aussi que ces critères soient intégrés dans la conditionnalité des aides de la PAC 2021-2027. La Cour des comptes estime également que la futur PAC devrait rendre obligatoire le conseil agricole et orienter les soutiens financiers vers l'agriculture biologique et les programmes environnementaux.
La Commission se cache derrière le principe de subsidiarité
La Commission européenne renvoie encore une fois la balle aux États membres. Dans la PAC post 2020, chaque État devra élaborer un plan stratégique national pour atteindre les objectifs européens. Il pourra également présenter des « Éco-schemes », définissant des pratiques plus vertueuses que les agriculteurs pourront appliquer de manière volontaire. « Cette solution offre aux États membres la possibilité, s'ils le désirent, de développer des programmes au titre de la PAC qui favorisent une utilisation durable des pesticides et qui vont au-delà du cadre juridique établi », estime la Commission.
Peu d'alternatives aux pesticides
Une surveillance à améliorer
La Cour des comptes européenne regrette que les statistiques européennes sur l'utilisation des phytosanitaires soient agrégées en grands groupes (insecticides, fongicides, herbicides). « Cela signifie, par exemple, que la Commission ne peut pas publier d'informations relatives aux substances actives individuelles ou à la proportion de substances approuvées comme à faible risque ». Or, des données plus précises permettraient de mieux sélectionner les substances à surveiller. Elle relève cependant que certains pays, dont la France, communiquent les données de vente par substance active. Le Cour des comptes recommande également d'améliorer les indicateurs de risques.
La Commission se dit favorable à la publication des chiffres de ventes « pour toutes les substances actives individuelles qui ne sont pas protégées par le secret statistique ».
Un groupe de travail a été mis en place « pour étudier les exigences en matière de données ainsi que les principes d'évaluation afin qu'ils soient mis à jour pour faciliter l'approbation de ces substances actives », indique la Commission. Elle précise cependant que certains produits ne sont pas considérés à faible risque car ils contiennent des coformulants qui répondent à la définition de substance préoccupante. Et d'ajouter que la recherche est mobilisée, notamment à travers le programme Horizon 2020, pour développer des alternatives à la lutte chimique.
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