« C'est une grande victoire pour nos ONG qui se battent depuis des années contre ces chartes et les textes nationaux qui ne sont clairement pas assez protecteurs pour les populations riveraines de zones d'épandages exposées aux pesticides. » Telle est la réaction des associations (1) qui ont obtenu, le 8 janvier, l'annulation par le tribunal administratif d'Orléans des arrêtés préfectoraux approuvant les chartes d'engagements des utilisateurs agricoles de produits phytopharmaceutiques de cinq départements : Cher, Eure-et-Loir, Indre-et-Loire,
Ces chartes, dites aussi « de bon voisinage », permettent d'adapter les distances de sécurité qui sont fixées par la réglementation nationale à 20 mètres pour les produits les plus dangereux et ceux contenant des substances ayant des effets perturbateurs endocriniens, et à 10 mètres ou 5 mètres dans d'autres cas. Les préfets doivent alors s'assurer, avant leur approbation, que ces chartes apportent des garanties équivalentes en termes de protection des riverains et des travailleurs, et d'information préalable à l'utilisation des produits.
Deux motifs d'annulation
En second lieu, le tribunal a jugé que les chartes approuvées par les arrêtés précisaient de manière insuffisante les modalités d'information des résidents et des personnes présentes préalablement à l'utilisation des produits. « Pour rappel, était considérée comme une information préalable par les utilisateurs de pesticides le simple fait, par exemple, de disposer d'un gyrophare allumé au moment de l'épandage, s'indignent les requérantes. Pour nos organisations, il ne pouvait clairement pas s'agir d'une information préalable à la pulvérisation des pesticides ! »
Un jugement qui va faire jurisprudence ?
La question est maintenant celle de savoir si les autres tribunaux vont suivre, ou non, les juges d'Orléans. Les ONG victorieuses de ce contentieux, auxquelles s'ajoutent d'autres associations (2) , ont en effet formé 43 recours contentieux contre ces chartes dans toute la France. « Comme nous l'avions montré, nombre d'entre elles sont des copiés-collés du contrat de solutions fourni par la FNSEA à ses antennes locales. Gageons que l'effet domino va se produire et que nous pourrons enfin espérer la fin de cette mascarade et la mise en place de règles et mesures vraiment protectrices pour ces populations vulnérables », réagissent les associations. Contactées, les chambres d'agriculture, intervenantes à l'instance, et la FNSEA n'ont, de leur côté, pas souhaité réagir à ces décisions de justice.
La réglementation relative à l'utilisation des pesticides, particulièrement complexe, fait l'objet d'une longue bataille contentieuse débutée, en 2016, avec la décision du Conseil d'État d'enjoindre au Gouvernement d'abroger l'arrêté interministériel du 12 septembre 2006. La notion de « zones de non-traitement » était apparue dans la loi Egalim de 2018 et celle des chartes d'engagements dans le décret du 27 décembre 2019, annulé par le Conseil d'État et auquel a succédé le décret du 25 janvier 2022. Le tribunal d'Orléans a estimé que les arrêtés préfectoraux méconnaissaient l'article L. 253-8 du code rural (3) issu de cette loi, de même que l'article D. 253-46-1-2 (4) résultant de ce dernier décret.