Présenté le 2 décembre, le projet de décret a été publié vendredi 10 décembre au Journal officiel. Il suspend pour une période de trois mois la possibilité de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite à partir des centrales photovoltaïques dépassant une puissance de 3 kW en crête. L'absence de prise en compte des conclusions du Conseil supérieur de l'énergie dans la rédaction finale du décret et les craintes pour l'emploi sont au cœur des critiques formulées par les organisations professionnelles du secteur de l'énergie photovoltaïque.
Peu de modifications entre le projet et le décret final
Pourquoi avoir organisé une réunion du Conseil supérieur de l'énergie la veille de la publication du décret ? C'est en substance ce que se demandent les acteurs du secteur photovoltaïque. Pour l'Association des producteurs d'électricité solaire indépendants (Apesi) le décret a été publié "sans grande modification par rapport à sa première rédaction, et ce, au mépris de l'avis du Conseil supérieur de l'énergie du 9 décembre."
Mêmes reproches du côté d'Enerplan qui "[regrette] très vivement que le gouvernement n'ait pas accepté les amendements du Conseil supérieur de l'énergie, sur le projet de décret suspendant l'obligation d'achat." Selon l'association, "si les représentants des consommateurs, les organisations syndicales, les collectivités locales, le parlement, les gestionnaires de réseaux, les ONG et les industriels, avaient été entendus par l'Etat, le secteur photovoltaïque français ne serait pas aussi durement affecté."
Mise en péril des emplois du secteur
L'autre point récurrent des critiques formulées à l'encontre du décret est la mise en danger des emplois de la filière photovoltaïque. Pour le Syndicat des énergies renouvelables (SER) le moratoire est "un coup de froid brutal pour cette filière en plein développement." "Ce sont plusieurs milliers d'emplois qui seront supprimés à court terme alors qu'il s'agit d'une des seules branches qui puisse s'enorgueillir d'avoir créé dans les deux dernières années environ 20.000 emplois !",avance le Syndicat.
D'ailleurs les offres d'emploi sur le secteur se font déjà plus rares. Ainsi, David Ascher, directeur de la publication d'Emploi-Environnement.com (1) craint un coup d'arrêt puisqu' "avec la publication du rapport Charpin et les baisses successives des tarifs d'achat, nous avons observé une baisse de 30 % en volume des offres concernant le photovoltaïque." Dans ce contexte, le moratoire confirme les incertitudes au sein des PME souvent très fragiles. Si nombre d'acteurs du secteur redoutent un ralentissement, certains prévoient déjà de geler leur recrutement voire de licencier purement et simplement. "Une situation cocasse pour une profession qui, il y a quelques mois à peine, avait quasiment été élevée par le gouvernement au rang de symbole des métiers de la croissance verte",ironise David Ascher.
Même crainte pour l'Apesi qui rapporte que les "conversations dans les couloirs du Salon Energaïa concernaient davantage les licenciements à venir que la signature de nouveaux contrats." Selon les représentants des producteurs indépendants, "ce décret ne fait que souligner l'incapacité du Gouvernement à cerner le fonctionnement de cette filière qui a pourtant créé plus de 30.000 emplois en 4 ans."
Stabilité et prévisibilité du cadre juridique
Par ailleurs, l'absence de visibilité à long terme est vivement critiquée. Enerplan évoque "un pilotage erratique avec un cadre réglementaire instable." Pour l'association, le moratoire "contredit la volonté affichée par le gouvernement, de vouloir développer une industrie solaire française pour concourir parmi les leaders mondiaux du domaine."
L'Apesi, pour sa part, estime que a filière photovoltaïque "ne réclame que de la visibilité et une ambition stratégique de l'Etat pour poursuivre et industrialiser son développement." Quant au SER, il appelle à "un minimum de stabilité des règles et de l'environnement économique."
L'Apesi critique la rétroactivité et l'inefficacité du décret
Enfin, l'Apesi ajoute deux critiques spécifiques. Tout d'abord, "en maintenant la date du 2 décembre dans sa rédaction finale, le Gouvernement entache son décret d'une double rétroactivité", estime-t-elle. Il s'agit d'une "rétroactivité sur l'effectivité de ce décret 6 jours avant sa promulgation" et une "rétroactivité par rapport à la réglementation en vigueur, qui stipule pourtant très clairement, contrairement à ce décret, que tout projet ayant transmis une demande complète de raccordement à ERDF bénéficie, fermement, de son tarif de rachat."
Par ailleurs, l' "effet paradoxal" du décret, juge l'Apesi, est le "maintien des projets les plus coûteux, disposant d'un tarif de rachat à 60 cents" au détriment "de tous les nouveaux projets disposant d'un tarif allant de 27 à 50 cents, moins coûteux et plus sérieux."