Chez Lafarge (Holcim), l'activité qui développe des solutions à la fois « bas carbone, durables et circulaires » s'appelle ECOCycle. « La plateforme abrite l'ensemble des technologies permettant de valoriser les matériaux recyclés dans des domaines autres que la route, énonce William de Lumley Woodyear, directeur général de Lafarge Granulats. Pour l'entreprise, il y a là un enjeu de valeur : au lieu de vendre un matériau de remblai à un prix de base, elle vendra un matériau qui, après traitements supplémentaires, aura capturé une valeur correspondant aux nouvelles applications possibles – on passera en effet de la sous-couche routière à des granulats pour béton, ou des granulats pour préfabrication. »
Sans HIC, moins d'innovation
Le pendant scientifique de ces plateformes ECOCycle qui permettent de proposer des produits recyclés à plus forte valeur ajoutée, c'est un laboratoire national où sont menées chaque année des milliers d'analyses sur la matière. Basé à L'Isle-d'Abeau (38), le centre de recherche Holcim Innovation Center (HIC) compte à date quasiment 200 docteurs spécialisés en sciences des matériaux, travaillant sur différents domaines de production et d'application. Au-delà des formulations, ils entrent dans le détail nanométrique de l'accroche de la particule de ciment. « Ils travaillent à la fois sur les matériaux de demain, la réutilisation des produits recyclés, les nouveaux process industriels permettant d'améliorer l'efficience, de réduire les émissions de carbone et les consommations d'eau », indique William de Lumley Woodyear.
Terminé fin septembre 2023, l'assemblage de l'installation a été suivi d'une phase d'essais et d'obtention du marquage CE. Aujourd'hui, « elle est toujours dans une phase de pilote industriel », aux dires de William de Lumley Woodyear, reconnaissant que l'hétérogénéité du gisement « fait partie des découvertes et de l'apprentissage à réaliser avec ce type de produit qui a eu une première vie ». « Plus on monte en gamme, poursuit-il, plus on entre dans des applications sophistiquées qui acceptent moins la variabilité. Au départ de la chaîne, il faut monter l'exigence de collecte, avoir une meilleure sélection et un meilleur tri. Et trouver un point d'équilibre entre ce que l'on est capable de faire dans le sourcing de matériaux de démolition, et le besoin client – certains segments d'application peuvent accepter la variabilité, d'autres pas. »
Pour les fillers, ces fines minérales de taille inférieure à 500 microns, « les applications les plus simples au vu de l'hétérogénéité des matériaux entrants restent l'intégration dans des process industriels de type cimenterie, ou dans des applications de type blocs béton ». « À l'autre extrémité, indique le patron de Lafarge Granulats, il y a des segments plus pointus, avec des applications dans les mortiers, dans les bétons préfabriqués hautes performances. On s'intéresse également à des applications autres que les produits de construction, telles que les charges minérales pour l'industrie plastique et celle du caoutchouc. »
Le dispositif associe des concasseurs et des broyeurs à pression variable – des machines spécifiques développées par Metso –, à un classificateur à air inertiel permettant « de désolidariser et de récupérer la pâte cimentaire pendant l'opération de concassage, sans broyer le granulat d'origine ». Sur un lot moyen de 100 tonnes de bétons de démolition (fractions comprises entre 0 et 400 mm), la plateforme peut a priori produire autour de 20 tonnes de fines de ciment (0 à 500 microns), 45 tonnes de sable recyclé (500 microns à 4 mm) et 35 tonnes de gravillons recyclés (dont 25 tonnes de 4 à 11 mm et 10 tonnes de 4 à 8 mm).
« On se donne l'année 2024 pour étudier toute la valeur du filler que l'on sort, résume William de Lumley Woodyear. Ensuite, quand nous aurons confirmé les choix technologiques et identifié les segments clients pour lesquels la valeur sera bien maîtrisée, nous envisagerons à partir de 2025 un déploiement en fonction des besoins. »