La feuille de route donnée par la ministre de la Transition écologique à l'inspection des installations classées (ICPE) est particulièrement scrutée cette année après l'incendie de l'usine Lubrizol, survenu le 26 septembre dernier. Une action liée au retour d'expérience de cet accident figure parmi les priorités fixées par la ministre de la Transition écologique dans une instruction adressée aux préfets le 31 décembre. Elle avait déjà adressé, le 2 octobre, une instruction post-accident à ces derniers, portant sur les premières mesures à prendre dans les sites Seveso.
Confronter les études de danger à la réalité
Élisabeth Borne annonce un plan d'actions post-Lubrizol pour le début d'année. Mais, sans attendre les résultats des enquêtes administratives et des missions et commissions parlementaires, la ministre demande de diligenter des inspections sur le dimensionnement et la conception des zones de rétention et des conduites d'écoulement des fluides, « tant à l'intérieur de bâtiments que pour les stockages extérieurs ». Il est demandé à l'inspection de confronter les études de dangers à la réalité du terrain afin « d'apprécier l'effectivité des mesures prises pour limiter les conséquences d'un incendie ».
On sait en effet que les capacités de rétention de l'usine Lubrizol n'avaient pas été dimensionnées pour prendre en charge les eaux d'extinction des installations de son voisin Normandie Logistique qui ont flambé en même temps dans le sinistre. De ce fait, les effluents de l'incendie avaient été rejetés dans une darse sur la Seine, ce qui avait justifié le déclenchement du plan Polmar.
Plusieurs fuites sur canalisations
Une deuxième priorité de contrôle porte sur la surveillance et la maintenance des canalisations de transport de gaz et d'hydrocarbures. Une action qui apparaissait déjà dans les priorités l'année dernière. L'instruction fait mention de plusieurs incidents de fuites sur ces installations en se fondant sur l'accidentologie de 2019. La ministre demande des actions d'inspection pour s'assurer que les contrôles demandés soient bien effectués, sans attendre la publication des textes renforçant la réglementation qui ont été soumis à la consultation du public fin novembre. Présentés au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT), ils seront prochainement adoptés, annonce Mme Borne.
Une troisième priorité porte sur le risque accidentel liés aux méthaniseurs. Leurs exploitants présentent une compétence plus solide dans la maîtrise des émissions polluants que dans les risques d'explosion, révèle le retour d'expérience. « Les inspections menées auront pour objectif de s'assurer que les dispositions requises par la réglementation technique sont effectivement appliquées, y compris celles relatives aux appareils à pression lorsque cela est pertinent », précise l'instruction.
La quatrième priorité est celle du contrôle des centres de tri des déchets. Au menu des inspecteurs ? La gestion de la traçabilité, la tenue correcte du registre, la bonne utilisation des codes déchets, l'effectivité de la procédure d'acceptation préalable, l'interdiction des mélanges dans le tri « cinq flux », ainsi que le respect des dispositions incendie. « Cette action permettra d'avoir une idée plus précise du panorama des taux de refus de tri par typologie de déchets, des technologies de tri existantes, ou encore du recours aux filières de responsabilité élargie des producteurs (REP), notamment pour les encombrants et meubles », explique la ministre.
Risque accidentel des éoliennes
À ces cinq actions systématiques, chaque région doit ajouter trois actions choisies parmi une liste de neuf thèmes fixés par l'instruction. Ceux-ci portent sur les points suivants : risque accidentel des éoliennes, risques du secteur de la pyrotechnie, risques liés à des coupures d'électricité sur les sites industriels, importation de fluides frigorigènes, vérification du confinement des substances extrêmement préoccupantes (Reach), réglementation du traitement du bois par la créosote, émissions de composés organiques volatils (COV) et d'oxydes d'azote par le secteur industriel, gestion des situations de sécheresse dans les installations industrielles, remblayage des carrières. Chaque région devra, en outre, ajouter une action locale aux thématiques d'inspection.
J'ai veillé à ce que les effectifs de contrôle de l'inspection des installations classées ne diminuent pas, au niveau national, pour l'année 2020, tant en DDPP (1) qu'en Dreal (2) », rappelle Élisabeth Borne en préambule. Il faut dire que l'accident de Lubrizol a fait ressortir les insuffisances des services de l'État. À cela s'est ajoutée, dans la même période, la publication des statistiques des accidents technologiques pour 2018. Elles ont révélé que les accidents industriels avaient augmenté de 34 % en deux ans, avec une forte contribution des établissements classés Seveso. Et ce, alors que le nombre d'inspections a baissé de 39 % entre 2006 et 2018.