Les stress hydriques prolongés et à répétition atteignent autant les plantes que les micro-organismes qui constituent la biomasse vivante des sols. Cependant, à mesure que les sécheresses s'accumulent, toujours plus proches les unes des autres, plantes et microbes ne répondent pas à la même vitesse. Et d'après Steven Allison, écologue de l'université d'Irvine en Californie, ce déséquilibre pourrait jouer en défaveur du climat.
Le constat du chercheur américain s'appuie sur les capacités préalablement observées de microbiomes (communauté de micro-organismes) à « se reconfigurer » lors d'un stress : adaptation métabolique, basculement communautaire (où certaines espèces mieux adaptées prennent le pas sur d'autres) et développement de nouvelles résistances ou tolérances. Dans des sols en conditions aérobiques (orientés vers la surface et comprenant donc du dioxygène, O2), beaucoup de bactéries ou champignons sont hétérotrophes, c'est-à-dire qu'ils décomposent la matière pour se nourrir et rejettent ainsi du dioxyde de carbone (CO2). En s'adaptant à la sécheresse, ces micro-organismes présentent un risque « beaucoup plus important qu'escompté actuellement » de renverser la balance du carbone dans le sol.
Dans une analyse (1) publiée le 12 avril dans la revue scientifique Trends in Microbiology, le chercheur américain en déduit que « ces émissions discrètes de carbone auront besoin d'une population suffisante de plantes résilientes à la sécheresse capables d'en stocker pour être compensées » et ne pas inverser le principe de puits de carbone. D'autant que la séquestration du carbone par le sol n'a pas qu'un effet bénéfique pour le climat, il confère d'autres avantages physico-chimiques. « Les sols riches en carbone retiennent non seulement plus de nutriments, donc de plantes et leur système racinaire, mais ils atténuent l'effet de l'érosion, rappelle Steven Allison. Si un sol perd son carbone, une forte pluie après une sécheresse risque de l'éroder et de l'endommager plus facilement, favorisant les glissements de terrain, les coulées de boue et tout un tas de phénomènes déjà à l'œuvre lors de certaines inondations. »