Mardi 10 mai, à l'occasion d'une audition devant le Parlement européen, Günter Oettinger, le commissaire européen à l'énergie, a indiqué que la Commission européenne ne validerait pas les audits de sûreté des installations nucléaires qui n'évalueraient pas les risques terroristes et humains.
Tenir compte des facteurs humains
Ce mercredi, la Commission va présenter aux régulateurs des 27 Etats membres ses propositions qui tiennent compte de tous les risques, y compris les facteurs humains, les défaillances, les actions terroristes, les attaques informatiques et les accidents d'avions, a-t-il annoncé, selon les propos rapportés par l'AFP.
"Un test de résistance allégé ne portera pas ma signature" a assuré le commissaire européen, précisant : "j'ai besoin de l'accord de la Commission, et je l'ai, mais aussi des régulateurs nationaux de tous les pays européens."
José Manuel Barroso, président de la Commission, a confirmé dans un communiqué que "ces tests devront être complets et inclure un éventail le plus large possible de scénario, avec des facteurs naturels et humains." Si les actes de terrorisme n'ont pas été explicitement mentionnés, la présidence de la Commission assure cependant qu'il n'y a pas de divergence entre José Manuel Barroso et Günter Oettinger.
Le 25 mars 2011, le Conseil européen a donné mandat à la Commission et au Groupe des régulateurs européens dans le domaine de la sûreté nucléaire (ENSREG) d'établir les critères des stress tests avec le soutien technique de l'Association des responsables des autorités de sûreté nucléaire des pays d'Europe de l'Ouest (Wenra).
Les critères de l'ASN et de la Wenra non conformes au voeu de Günter Oettinger
La Wenra a présenté le 21 avril un document définissant les futurs tests (1) qui ne prend en compte que le risque sismique, les inondations et les "autres événemments naturels extrèmes." En l'état le projet ne satisfait donc pas au souhait exprimé par Günter Oettinger. Les 12 et 13 mai, l'ENSREG se réunira afin de valider le cahier des charges qui sera remis à la Commission.
Par ailleurs, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a devancé ses homologues et présenté le 9 mai le calendrier et les critères retenus pour les tests français. Ces derniers ne prennent en compte que les trois risques avancés par la Wenra. À cette occasion, André-Claude Lacoste, président de l'ASN, avait justifié l'absence du risque terroriste notamment du fait que l'ASN "n'est pas capable de faire une étude sérieuse" en si peu de temps et pour des questions de transparence.
Pour Europe Ecologie Les Verts (EELV), en devançant de quelques jours la présentation des critères européens, la France pratique "la stratégie du 'moins disant sécuritaire' [et tente de l'] imposer à l'Europe." Une accusation à laquelle André-Claude Lacoste avait répondu préventivement le 9 mai en indiquant qu'une telle analyse le "fait rire" car les tests français sont proches des propositions de la Wenra.
Le Conseil européen pourrait trancher…
Si les risques terroristes et humains ne sont pas pris en compte, le Commissaire européen pourrait renoncer à valider les tests pour redonner le dossier aux Etats membres. "Si on ne parvient pas à un accord entre la Commission et les régulateurs européens, alors nous rendrons peut-être le mandat au Conseil, où siègent les 27 gouvernements européens", a prévenu Günter Oettinger. Une solution qui semble-t-il ne déplairait pas à EELV qui appelle à "la pleine participation à la définition des critères des Etats membres qui ont choisi de ne pas avoir de centrales ou de les fermer", rejetant de fait une approche basée sur la seule expertise technique de la Wenra qui regroupe 16 pays disposant de centrales nucléaires.
Une telle possibilité sonne comme une menace sérieuse au regard d'un possible blocage si les Etats membres pro et anti-nucléaires ne s'accordaient pas. Une situation qui serait politiquement délicate alors qu'"il y a un intérêt du côté de la population européenne à ce que ces tests soient le plus exhaustif possible", a rappelé le Commissaire.
…sur fond de divisions persistantes
Du côté des opposants affichés au nucléaire, se trouve en particulier l'Autriche qui n'a pas de production électronucléaire et qui défend des positions parmi les plus ambitieuses s'agissant de l'audit européen. Elle plaide notamment pour que les tests soient réalisés par des experts indépendants, contrairement aux tests français et à la proposition de la Wenra qui se base sur la vérification par les régulateurs d'une évaluation des risques réalisée par les opérateurs des centrales.
À l'opposé, la France (avec 58 réacteurs), le Royaume-Uni (19) et la Belgique (7) ne veulent prendre en compte que les catastrophes naturelles et proposent que les tests soient réalisés par les opérateurs sous le contrôle des agences nationales de régulation.
Quant à l'Allemagne (17), le changement radical intervenu dans la politique nucléaire, annoncé par la chancelière Angela Merkel le 17 mars, devrait être confirmé rapidement par une loi prévoyant une sortie du nucléaire d'ici à 2020, voire 2023 au plus tard. La défaite électorale subie par la chancelière le 27 mars, alors que la pression anti-nucléaire était à son paroxysme outre-rhin, ne plaide pas pour un assouplissement de la position allemande en matière de sûreté nucléaire, d'autant plus que des tests rigoureux conforteraient le virage pris par Angela Merkel suite à la catastrophe de Fukushima.