« Sur le plan météorologique, la tempête Xynthia fut moins exceptionnelle que les tempêtes Lothar et Martin de décembre 1999 ou encore que Klaus en janvier 2009 », explique la ministre de la Transition écologique. Mais la conjonction de la surcote, c'est-à-dire une hausse du niveau de la mer liée à la tempête (1,53 m à La Rochelle), des fortes vagues et du coefficient de marée (102) ont conduit à un phénomène de submersion marine meurtrier. Quarante-sept personnes y laissèrent leur vie, tandis que des dégâts matériels considérables étaient relevés, la Fédération française des sociétés d'assurance (FFA) évaluant à 1,5 milliard d'euros le montant des dommages couverts.
La mission d'information que le Sénat avait mise en place après cette catastrophe avait pointé cinq faiblesses : prévision météorologique insuffisante, vigilance insuffisamment opérationnelle, prévention incomplète du risque de submersion, occupation des sols exposant au risque d'inondation et entretien très inégal des digues. « Si le phénomène climatique Xynthia était inévitable, le drame Xynthia aurait pu être évité et ses conséquences minorées », avait conclu le sénateur Alain Anziani.
Depuis dix ans, les pouvoirs publics ont renforcé la prévention des risques dans le cadre d'un « Plan submersions rapides » lancé en 2011 : rachat de maisons grâce au fonds Barnier, projets d'endiguement, adoption des programmes d'actions de prévention des inondations (Papi), accélération des plans de prévention des risques littoraux (PPRL). Mais l'action s'est aussi portée sur les outils de prévision et d'alerte, dont la mission avait pointé les carences.
Difficulté à modéliser la phase déferlement
Si Météo-France et le Service hydrographique et océanique de la marine avaient établi une bonne prévision globale de la tempête ainsi que des risques en mer, leur prévision sur les risques à terre s'était révélée très insuffisante. « Ni les conséquences de la tempête en termes de montée des eaux, ni l'adaptation des comportements qu'elle aurait dû induire, [n'ont été] décrits avec précision », avait constaté la mission. Cette carence, ajoutait-elle, tenait aux limites techniques de la prévision liées aux submersions marines, notamment la difficulté à modéliser la phase de déferlement « dont l'effet dépend de facteurs qui ne sont pas toujours connus, comme la réaction de la roche sédimentaire ».
Quant aux avis de vigilance, « l'impact réel de la tempête sur les activités et équipements humains n'a pas été parfaitement anticipé dans sa nature [inondation], ni dans son intensité ». Des conseils de comportement inadaptés, voire mortels, ont été délivrés. Le rapport cite les consignes demandant aux habitants de se calfeutrer. « Pour ceux dont la maison ne comportait pas d'étage ou de comble accessible, cela s'est révélé un piège dont ils n'ont malheureusement pas pu s'extirper », constate-t-il.
Enfin, la mission d'information avait pointé un dispositif d'alerte « archaïque ». Auditionné, le directeur de la sécurité civile avait indiqué que le dispositif français, qui datait de 1930, était « un système vétuste, mal adapté aux risques d'aujourd'hui ». Le contenu des messages adressés aux maires par les préfets de Charente-Maritime et de Vendée était « loin de permettre de comprendre l'ampleur du risque ». « Dans ces conditions, l'alerte s'est organisée au niveau local de façon pragmatique et variable selon les communes », avait relevé l'auteur du rapport.
Vigilance spécifique vagues-submersions
Dix ans après, ces failles existent-elles toujours ? Météo-France a déployé, depuis octobre 2011, un dispositif de vigilance spécifique aux vagues-submersions dans le but d'améliorer les capacités de gestion de crise lors des tempêtes. L'établissement public détermine le niveau de vigilance en combinant les effets des vagues, de la houle et du niveau d'eau. Il s'appuie sur certaines données fournies par le Service hydrographique et océanique de la marine, comme le calcul de la marée, la topographie des fonds marins ou l'observation du niveau d'eau. La vigilance météorologique est proposée sur un site spécifique de Météo-France (1) . Outre le risque vagues-submersion, elle couvre huit autres phénomènes météos : vent violent, orages, avalanches, neige-verglas, canicule, grand froid, pluie-inondation et inondation.
Les pouvoirs publics ont également développé des systèmes d'alerte. « La vigilance permet d'anticiper la crise et de gérer l'alerte dans de bonnes conditions. L'alerte, quant à elle, n'est déclenchée que lorsque le danger est proche », explique le ministère de la Transition écologique. Depuis décembre 2011, Météo-France propose gratuitement aux maires et aux préfets un outil d'avertissement sur les pluies intenses, dénommé « Apic (2) ». Le service s'appuie sur les observations en temps réel des précipitations issues du réseau de radars météorologiques. Les préfets et les maires abonnés sont avertis pas message vocal, SMS et courriel dès que les pluies prennent un caractère exceptionnel.
Depuis 2017, ce service est complété par un système d'avertissement automatique sur les crues soudaines, appelé « Vigicrues Flash », dont l'abonnement se fait sur le site Apic. Ce service, accessible gratuitement aux élus des 10 000 communes couvertes, assure une vigilance hydrométéorologique 365 jours par an et 24 heures sur 24, couvrant 22 000 km de cours d'eau, vante le ministère.
Ces dispositifs sont censés répondre de manière plus opérationnelle aux risques de submersion, dont le réchauffement climatique et la hausse du niveau de la mer aggravent la fréquence. Au-delà de ce risque au sens strict, pas moins de 17 millions d'habitants sont aujourd'hui exposés aux inondations en France.