Si l'État semble avoir relégué au musée ses ambitions en matière d'hydrolien, la filière a toujours un avenir devant elle. Les anciens projets démonstrateurs portés par l'État ont été repris et de nouvelles technologies naissent grâce aux investissements de start-ups et de petites entreprises, soutenues par des fonds européens et régionaux.
En 2011, l'entreprise Open Hydro (absorbée plus tard par Naval Energies) installait la première hydrolienne en France, au large de Paimpol-Bréhat. Quelques années plus tard, Naval Energies semblait croire au potentiel des côtes françaises, si bien que l'État envisageait de subventionner des projets de fermes pilotes. En 2013, un appel à manifestation d'intérêt avait été lancé par l'Ademe pour étudier la possibilité d'intégrer l'énergie hydrolienne à la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) via des appels d'offres commerciaux.
L'hydrolien semblait en plein essor, mais en 2018 Naval Energies annonçait la fin de ses investissements. « L'abandon de Naval Energies a fait du mal à la filière, on a senti le gouvernement un peu désabusé et réticent à soutenir de nouveaux projets », explique Marlène Kiersnowski, directrice développement à Énergie de la lune, cabinet d'ingénierie spécialisé en EMR. En effet, la même année, l'Ademe déclarait que la filière hydrolienne n'avait pas encore fait ses preuves, faisant d'elle la grande absente de la PPE 2019-2023.
Les projets fleurissent pour exploiter le potentiel français
L'intérêt pour le secteur n'est cependant pas éteint et l'énergie hydrolienne a encore des perspectives devant elle : dès 2018, plusieurs projets portés par des petites entreprises, des start-ups et des consortiums ont fleuri sur les côtes françaises grâce, entre autres, aux financements européens et régionaux. Ces nouvelles technologies en test dans les eaux françaises
Sur les sites de test français, de nouveaux prototypes voient le jour. C'est le cas de l'hydrolienne EEL, sur le site de Bordeaux qui reproduit le mouvement de la nage des poissons pour produire de l'énergie. C'est également le cas de Minesto, une hydrolienne attachée à un cerf-volant marin, plongée à Paimpol-Bréhat, site de test concédé à EDF et exploité avec le soutien de SEENEOH. Au lieu d'être porté par les vents, le cerf-volant est entraîné par les courants marins, accélérant le courant et faisant tourner la turbine qui y est attachée. Même dans des endroits où le courant est faible, Minesto pourrait ainsi produire de l'électricité.
Aujourd'hui la France compte 6 projets démonstrateurs répartis sur les côtes de la Manche et sur la façade Atlantique. Deux stratégies semblent se démarquer : produire du courant pour participer au mix énergétique Français ou coupler les hydroliennes avec d'autres EnR afin de rendre autonome une structure ou un territoire.
Hydroquest et Normandie hydroliennes « se glissent dans les chaussons » d'EDF et d'Engie
Deux fermes pilotes sont attendues au Raz-Blanchard (Normandie) sur les anciennes concessions d'EDF et d'Engie, respectivement reprises par Hydroquest récemment rejoint par l'énergéticien Qair, et Normandie hydroliennes, la « joint venture » composée de Normandie Participations, SIMEC Atlantis Energy et EFINOR. Pour le moment, aucune hydrolienne n'est installée mais les deux co-entreprises devraient « se glisser dans les chaussons » de leurs prédécesseurs, explique Thomas Jacquier, président d'Hydroquest. En juillet 2022, Hydroquest, envisage de commencer les travaux de FloWatt, sa ferme pilote qui abritera 7 turbines d'un modèle en développement baptisé OceanQuest. La ferme devrait développer une puissance totale de 17,5 MW, ce qui revient à alimenter 8 200 foyers. Normandie hydroliennes prévoit de plonger ses turbines au Raz-Blanchard courant 2021. Cependant, la société recherche aujourd'hui un nouvel actionnaire, ce qui pourrait potentiellement reculer la date de mise à l'eau. En attendant, elle peaufine le design des hydroliennes, la structure électrique et l'architecture de la ferme pilote. Un raccord commun au réseau électrique est prévu pour les deux projets, tous deux soutenus par le programme européen INTERREG France (Manche) Angleterre TIGER.
Dans le Morbihan, Sabella veut réduire les coûts de production
En 2015, le concepteur d'hydroliennes Sabella immergeait deux machines du modèle D10 dans le courant du Fromveur (Finistère) afin de tester sa technologie. Fort de ce retour d'expérience, Sabella planifie aujourd'hui la pose de deux hydroliennes nouvelle génération dans le courant de la Jument, un courant puissant situé entre l'île Berder et l'île de la Jument (Morbihan). Ce projet est porté par Morbihan Hydro Energies qui réunit Sabella et la société mixte 56 Energies. En ligne de mire : le coût du kWh, très élevé dans l'hydrolien. Pour ce faire, Sabella compte améliorer l'architecture de ses hydroliennes par des « briques innovantes ». Par exemple, la pause et le levage des hydroliennes par de gros navires coûtent cher. Les parties électroniques, souvent fragiles, sont donc déportées dans un boîtier fixé à la base. Ainsi, un petit navire suffira pour le remonter et effectuer les réparations ou améliorations. Ce projet expérimental bénéficie des fonds TIGER et l'enquête publique est prévue pour l'été 2021.
Dans le cadre du projet Phares à Ouessant (Finistère), le constructeur Sabella envisage une ferme pilote dans le passage du Fromveur. Pour le moment, aucune date n'est retenue pour la mise en œuvre : l'enquête publique est en cours et le rapport est attendu sous peu. Soutenu par les financements du Programme Investissement d'Avenir (PIA 3) et la région Bretagne, le projet a pour ambition d'alimenter l'île, qui dépend pour le moment exclusivement du fioul, en combinant éolien, photovoltaïque et hydrolien. Dans son volet hydrolien, le projet prévoit une ferme pilote de 500 MW, constituée d'hydroliennes de 15 mètres de diamètre. Cependant le volet éolien, qui doit s'implanter dans un site classé, est décrié par la population.
Guinard Energies met son hydrolienne au service des ostréiculteurs
Toujours dans le Morbihan, la société Guinard énergies nouvelles expérimente son hydrolienne P154, dans le fleuve côtier Ria d'Etel. Immergée une première fois entre février et mai 2019, elle sera réimmergée à l'automne 2021 dans le cadre du projet ERSEO où elle sera couplée à des panneaux solaires pour recharger une barge de travail électrique destinée aux ostréiculteurs de la Ria d'Etel. Le courant en excédent sera réinjecté sur le réseau. L'entreprise contribue au projet ERSEO, en collaboration avec le chantier naval Chantier Bretagne Sud, qui a construit la barge. Le but est de proposer des solutions pour réduire la facture énergétique des ostréiculteurs, tout en testant la technologie. Les premiers retours d'étude d'impact, réalisés par l'Ifremer semblent n'indiquer aucun impact sur la Ria d'Etel et les résultats de production de 2019 correspondent aux prévisions.
Un bilan globalement positif, donc. Loin de faire « plouf », la filière hydrolienne espère convaincre l'Ademe et le Gouvernement d'entrer dans la prochaine PPE.